🎧🎙️ Oyé oyé, la version audio de cette newsletter est disponible sur toutes les plateformes de podcast ! Et si vous préférez lire (parce que je n’ai toujours pas acheté de micro convenable ni eu le courage de faire du montage/habillage) n’oubliez pas de vous abonner sur ce site pour recevoir la prochaine newsletter directement dans votre boîte mail. 💌 #NoExcuses

« Tellement inspirant ! L’autre jour, j’ai vu un mec sans bras qui faisait du skate, j’étais à deux doigts de pleurer ».

Ok alors là Walid, tu mets le doigt sur un sujet sensible… Et sorry mais je ne vais pas pouvoir m'en empêcher : je ne peux pas résister à l'envie de te faire un petit exposé pour analyser pourquoi tu as failli chialer (ça s’appelle de l’inspiration porn) et pour un petit plaidoyer pour une admiration ajustée. 

Quand l’émotion devient un piège

Walid, mon ami au grand cœur mais parfois maladroit, ne comprend pas pourquoi je m’agace en entendant cette phrase. Pour lui, c’est un compliment. Pour moi, c’est le symptôme d’un mécanisme social ultra gluant et un tantinet problématique : l’inspiration porn.

Ce concept au nom volontairement provocateur (on va en reparler) désigne cette tendance à transformer les personnes handicapées en objets d’inspiration pour les valides, réduisant leurs vies à des leçons de motivation ou à des preuves de « courage ». Sauf que derrière ces larmes et ces « likes » sur les vidéos virales se cache une question que tu ne vas pas du tout aimer, mais que je te pose quand même : et si ton émotion Walid n’était pas aussi innocente qu’elle en a l’air ?

Cette question est cruciale, parce qu’en réalité, l’inspiration porn n’est pas qu’une affaire de sensibilité. C’est un système de pensée qui :

1. Renforce la norme valide en présentant le handicap comme une déviation à surmonter.

2. Dépolitise les enjeux d’accessibilité en focalisant l’attention sur l’individu (« Regarde comme il est fort ! ») plutôt que sur les barrières sociales (« Par quelles sombres galères a-t-il dû passer pour réussir à exister dans l’espace public ? »).

3. Crée une pression invisible sur les personnes handicapées : celle de devoir mériter leur place en étant héroïques, ou alors d’être perçues comme pitoyables.

I. Mais Walid pourquoi tu pleures ? - Anatomie d’une réaction « bienveillante »

Quand le handicap devient un spectacle

Prenons un exemple concret, presque caricatural :

• Une vidéo virale sur LinkedIn (mon réseau social préféré, premier degré) montre un jeune homme sans jambes qui escalade une montagne avec des prothèses. Musique épique, ralentis dramatiques, voix off émue : « Malgré son handicap, il a réalisé l’impossible ! ».

• Réaction de Walid : « Waouh, ça me donne envie de me battre dans ma vie ! » → Partage massif sur les réseaux avec le hashtag #NoExcuses.

• Réaction réelle de l’alpiniste en question (si on lui demandait) : « Oui, c’était dur. Je l’ai fait pour moi, et pas pour toi. Et merci en vrai j’aimerais bien qu’on parle aussi des 10 marches sans rampe qui m’ont empêché d’aller au cinéma hier. »

Pourquoi cette scène est problématique ? 3 raisons. 

...